Représentant près de 700 entreprises, FEVIA est la Fédération de l’industrie alimentaire belge. Sans renoncer à la consolidation du marché intérieur, la fédération s’emploie à dynamiser l’exportation de nos produits en Europe, et au-delà. Secrétaire générale de FEVIA Wallonie, Anne Reul présente les défis d’un secteur en croissance et qui entend bien le rester.
Impossible de commencer cette interview sans parler du scandale VEVIBA qui a défrayé la chronique au mois de mars…
A.R. : « Ce scandale nous a consternés. Pour FEVIA, les fraudeurs n’ont pas leur place dans la chaîne alimentaire et les pratiques frauduleuses de quelques-uns menacent de compromettre l’image de marque de l’ensemble du secteur. En outre, ces pratiques représentent une forme de concurrence déloyale au détriment de très nombreuses entreprises alimentaires qui ont investi des sommes considérables dans la qualité de leurs produits et la sécurité alimentaire. Le système de contrôle en Belgique est déjà très efficace et reconnu au-delà des frontières. Il y a aussi les certifications indispensables à l’exportation et celles exigées par les grands groupes de distribution. Mais il est malheureusement impossible d’être immunisé à 100 % contre la fraude de quelques-uns qui contournent les règles délibérément et jettent le discrédit sur toute la filière. Pour renforcer la lutte contre les fraudes dans le secteur de la viande, une concertation est indispensable entre les producteurs d’alimentation animale, les agriculteurs, les transformateurs et les distributeurs. FEVIA participera activement à toute réflexion globale sur la manière d’empêcher plus efficacement encore de telles pratiques à l’avenir. Je le répète, c’est dans l’intérêt de tout le secteur.»
Justement, parlons de FEVIA, quelles sont ses missions ?
A.R. : « FEVIA est la fédération de l’industrie agroalimentaire belge et à ce titre, elle représente les entreprises qui produisent de l’alimentation et des boissons. La fédération compte 700 membres, dont 185 en Wallonie. FEVIA Wallonie est l’aile wallonne, mais nous travaillons en parfaite symbiose avec l’aile flamande et la coupole fédérale.
Ces dernières années, FEVIA a lancé une stratégie de croissance basée essentiellement sur les exportations. Nous avons lancé la marque Food.be – Small country, Great Food pour mieux faire connaître l’excellence et la qualité des produits belges. C’est pour cela que le scandale VEVIBA nous est insupportable. À côté de cela, la consolidation du marché intérieur est aussi une priorité, évidemment. »
L’industrie alimentaire est un secteur important de l’économie belge ?
A.R. : « C’est même le numéro 1 belge au niveau industriel avec 90.000 travailleurs et un chiffre d’affaires de 50 milliards d’€. En Wallonie, l’industrie agroalimentaire se situe dans le top 3 avec plus de 8 milliards de chiffre d’affaires et un peu plus de 21.000 emplois, soit un travailleur industriel sur six ! L’industrie agroalimentaire est incontestablement un secteur fort en Wallonie. »
Et un secteur qui n’hésite pas à investir…
A.R. : « Les investissements en Wallonie ont même atteint un niveau record ! Plus 19 % en 2015 et encore plus 12 % en 2016, en particulier dans la transformation de la pomme de terre, la boulangerie-pâtisserie, les boissons, le chocolat et la viande. Les entreprises wallonnes sont essentiellement des PME. 97 % d’entre elles occupent moins de 100 personnes, 60 % moins de 5 personnes et la moyenne globale est de 15 ETP (équivalent temps plein) par société. L’emploi a augmenté de 4 % en 2016 et l’industrie alimentaire est un secteur qui recrute tous les jours, 2.400 engagements par an en moyenne, soit 11 chaque jour ouvrable ! »
Vous avez parlé d’une stratégie de croissance liée à l’exportation. Les produits belges et wallons sont appréciés à l’étranger ?
A.R. : « La qualité des produits belges et wallons est reconnue au niveau international. La Wallonie exporte 55 % de sa production pour plus de 4 milliards d’€ et les exportations croissent de 5 % chaque année. Et nous n’exportons pas que des frites, de la bière, des gaufres ou du chocolat ! Les produits laitiers, les boissons dont les bières évidemment, et les fruits et légumes préparés, dont nos frites, représentent à peu de chose près la moitié de nos exportations mais nous vendons aussi à l’étranger de la viande, des préparations à base de céréales, des légumes, des produits amylacés, des graisses, des huiles, du sucre, de la confiserie ainsi que des préparations de viandes et de poissons.
Vers quels pays ?
A.R. : « 80 % des exportations wallonnes se font vers les pays européens, notamment les pays de l’ancienne Europe de l’Est, mais en collaboration avec l’AWEX, nous visons de plus en plus les pays en croissance hors Europe tels que la Chine, les pays du Golfe, l’Amérique latine, le Canada et les Etats-Unis. »
Vous nous dressez un tableau quasi idyllique de l’industrie agroalimentaire en Wallonie, il n’y a donc pas de problème ?
A.R. : « Ce serait trop beau ! Un des dangers qui menacent le secteur, c’est ce que nous appelons le ‘gastro-nationalisme’, c’est-à-dire la tendance actuelle d’un certain nombre de consommateurs, encouragés par les autorités, à ne vouloir acheter que des produits alimentaires nationaux. La France, par exemple, souhaite que l’on instaure un étiquetage obligatoire mentionnant l’origine pour la viande et le lait. Les circuits courts ont du bon, bien sûr, car ils évitent des transports trop longs, ce qui est bon pour l’environnement et aide les petits producteurs locaux. Mais il faut aussi rester ouvert au commerce international, surtout dans une petite région comme la Wallonie qui exporte plus de la moitié de ses produits. Comme souvent, c’est une question d’équilibre.
Autre problème : notre compétitivité reste menacée en raison des coûts de production trop élevés. En dépit de certaines bonnes mesures gouvernementales, nous souffrons d’un handicap salarial et l’écart entre la Belgique et les pays voisins est toujours de 17 %. En Wallonie, il faut en plus compter avec le prix de l’énergie qui est plus élevé qu’en Flandre et les pays limitrophes. Et puis, il y a les taxes ! On appelle cela la ‘taxe-millefeuille’. L’industrie agroalimentaire est inondée par les redevances et les taxes : cotisations patronales, cotisations des travailleurs à la sécurité sociale, prélèvement professionnel, point vert, Val-I-Pac, ISOC, TVA, taxe sur l’emballage, accises sur le café, les boissons alcoolisées et non alcoolisées, la taxe d’utilisation de l’eau, dont l’industrie alimentaire est grande consommatrice, la taxe santé, la taxe kilométrique sur les transports…
Notre secteur est aussi menacé par les achats transfrontaliers. La moitié de la population belge vit à moins de 50 km d’une frontière. Conséquence : nombreux sont ceux qui vont faire leurs achats alimentaires à l’étranger, en particulier depuis l’augmentation des accises sur les boissons alcoolisées, mais pas seulement car un certain nombre de produits sont plus chers chez nous pour les raisons que j’ai évoquées. Ces achats hors frontière ont augmenté de près de 8 % en 2016 et de 52 % depuis 2008. »
La plupart des fédérations patronales se plaignent de ne pas trouver une main d’œuvre adéquate alors qu’il y a pénurie d’emplois. C’est le cas aussi dans le secteur alimentaire ?
A.R. : « Tout à fait, hélas ! Une des difficultés actuelles du secteur est de trouver les talents qui vont pouvoir accompagner la croissance. C’est la raison pour laquelle FEVIA a développé une série d’actions ‘Food@work’ qui visent à mieux faire connaître les entreprises agro-alimentaires en tant que pourvoyeuses d’emplois. Par exemple, la semaine du 23 avril sera La semaine de l’industrie alimentaire, afin de faire découvrir le secteur, ses métiers et les profils recherchés. Ceux-ci sont très diversifiés : des opérateurs et conducteurs de lignes de production, des électromécaniciens, des boulangers-pâtissiers, des bouchers, notamment des désosseurs, mais aussi du personnel moins ou non qualifié. FEVIA souhaite que l’on encourage les formations et les stages en entreprise pour les professeurs et que l’on développe beaucoup plus l’enseignement en alternance, y compris dans les baccalauréats et les masters. Pour l’enseignement secondaire, c’est prévu dans le pacte d’excellence mais les promoteurs de cette réforme se heurtent souvent à des réticences au sein même du monde enseignant parce que certains craignent de perdre leur emploi si les élèves passent une partie de leur scolarité en entreprise. »
Il existe pourtant déjà deux centres de compétences en Wallonie.
A.R. : « Il y a des initiatives qui vont dans le bon sens, en effet. En collaboration avec le pôle de compétitivité Walagrim, le Forem a créé un centre de compétence FormAlim à Verviers puis un second à Mouscron, deux régions où la densité d’entreprises agroalimentaires est importante. Bref, les défis ne manquent pas pour un secteur qui est actuellement en croissance et qui aspire à le rester. »
Vers quels pays ?
A.R. : « 80 % des exportations wallonnes se font vers les pays européens, notamment les
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